Les avancées de la médecine ont permis l’allongement de la durée de vie (en France de 65 ans en 1950 à plus de 80 ans aujourd’hui), grâce notamment à une meilleure hygiène et des techniques médicales de plus en plus sophistiquées.
Vivre au-delà de 80 ans, voire dépasser les 122 ans atteints par Jeanne Calment, la doyenne de l’humanité, est-ce une utopie?
Y répondre passe par la compréhension des mécanismes du vieillissement et de notre capacité à les bloquer ou du moins à les ralentir.
A ce jour, des centaines de théories du vieillissement ont été élaborées.
(Z. Medvedev en recense plus de 300 dès 1990).
Ce n’est pas étonnant étant donné la complexité du phénomène qui doit être adressée par l’ensemble des sciences – biologie, chimie, médecine, psychologie,… sachant que celles-ci sont en constant développement.
Quelques repères chronologiques
- 1892 : August Weismann associe le vieillissement à une programmation génétique
- 1928 : Raymond Pearl parle de « Taux de vie« , chaque cellule disposerait d’un capital d’énergie limité et la longévité serait conditionnée au taux de sa consommation par notre métabolisme.
- 1952 : Pour Peter Medawar, le vieillissement serait plutôt la conséquence de l’accumulation de mutations dans le génome.
- 1956 : Denham Harman propose sa théorie des radicaux libres qui explique au niveau biochimique, le concept de Taux de vie ci-dessus : en s’accumulant avec l’âge, ils provoqueraient la dégradation du corps et d’autant plus que l’on est actif.
- 1957 : Georges Williams introduit la notion de « Pléiotropie antagoniste« , terme un peu compliqué pour l’idée que les mutations nocives avec l’âge mais bénéfiques à un individu jeune seront conservées.
- 1977 : Citons encore, le concept de « Soma jetable » développé par Thomas Kirkwood, une variante du Taux de vie, selon laquelle le corps posséderait une énergie limitée à répartir entre activités de réparation du corps et reproduction, avec priorité à cette dernière.
- 1990 : le gérontologue russe, Zhores Medvedev recense plus de 300 théories de la sénescence (in Biol.Rev. (1990), 65 – 375-398)
Classification des Théories du Vieillissement
- Théories génétiques qui supposent une longévité maximale liée à l’espèce.
- Théories non-génétiques liées à l’accumulation d’erreurs due au hasard, elle sont dites « Stochastiques ».
- Théories mixtes qui combinent les 2 précédents types et ou s’insèrent les approches nouvelles – holistiques donc plus complexes mais qui ont plus de chances de s’approcher de la réalité.
Théories Principales
La Génétique
Une approche intéressante est celle du « Vieillissement cellulaire programmé » développée par le biologiste L. Haylflick (1961) qui a découvert que les cellules humaines normales ont un potentiel de division limité avant leur mort. Au cours de ses expériences, il a découvert que celles qui ont continué le plus longtemps à se diviser sont parvenues à 50 divisions, la plupart s’étaient déjà arrêtées bien avant. Elles avaient atteint un stade dit de « sénescence » – elles étaient toujours vivantes mais avaient définitivement cessé de se diviser.
C’est ce que l’on appelle la « Limite de Hayflick », limite liée à l’espèce et qui dans le cas de l’espèce humaine est de 50 divisions.
Les scientifiques ont depuis tenté d’expliquer le mécanisme moléculaire qui contrôle cette limite.
En 1971, le biologiste russe A.Olovnikov a émis l’hypothèse que la durée de vie maximale des cellules est liée au raccourcissement progressif des Télomères, les extrémités non-codantes des chromosomes et qui leur servent de protection, celles-ci s’érodant à chaque division cellulaire.
En 1985, E.Blackburn et C.Greider ont renforcé cette explication par la découverte de la Télomérase, une enzyme dont l’existence était prédite par le modèle et qui permet d’inverser le processus de raccourcissement en synthétisant de nouvelles séquences d’ADN télomèriques.
Cette découverte leur a valu le prix Nobel de médecine en 2009 et a ces dernières années, fortement contribué à populariser cette théorie au sein du grand public.
Le stress Oxydatif (ou Oxydant)
D.Harman (1956) a été le premier à associer les radicaux libres au vieillissement cellulaire. Les radicaux libres sont des molécules ou atomes ayant perdu un électron et sont dès lors fortement réactifs pour leur environnement. Ils peuvent ainsi induire un processus d’oxydation au niveau de nombreuses structures cellulaires, tels que la membrane cellulaire, les mitochondries, l’ADN des chromosomes,….
Les radicaux libres étant le plus souvent des formes réduites de l’oxygène, on parle aujourd’hui plus généralement de ERO (Espèces Réactives de l’Oxygène) telles que:
- Anion superoxyde O2-
- Hydoxyle OH-
- Péroxyde d’hydrogène H2O2
- Dioxyde d’azote NO2,….
Les sources de radicaux libres sont nombreuses, à la fois exogènes, liées à notre environnement (pollution, rayonnement UV, tabac,…) ou endogènes, produites par notre métabolisme, au sein des mitochondries en particulier.
Cette dernière source de stress oxydant a été fortement mise en avant ces dernières années, évoquant la défaillance des mitochondries.
Quoique intéressante, la théorie des radicaux libres/stress oxydatif continue d’être testée car les ERO jouent aussi un rôle positif en tant que signal pour la réaction de l’organisme en cas d’inflammation ou encore durant la phase de croissance et développement.
La Glycation
La glycation décrit une réaction chimique de fixation de sucres sur les protéines et qui provoque la perte de certaines propriétés de ces dernières. Ce phénomène s’appelle également, réaction de Maillard, le premier à l’avoir décrit. La réaction produit des protéines glyquées qui ne peuvent être détruites (résistantes à la protéolyse), ni évacuées de la cellule oû elles s’accumulent avec le temps. Ces protéines modifiées sont aussi plus sensibles à l’oxydation et favorisent la production de radicaux libres.
Les produits de glycation jouent un rôle important au niveau:
- Vasculaire contribuant à rigidifier les parois des vaisseaux sanguins.
- Oculaire par opacification du cristallin.
- Derme de la peau, l’élastine et le collagène étant particulièrement touchés, induisant rides et troubles de la cicatrisation.
nb: les diabétiques sont particulièrement concernés par le phénomène de glycation, leur glycémie étant élevée de manière chronique.
La Théorie Mitochondriale
La théorie mitochondriale du vieillissement énoncée pour la première fois en 1978, fait des mitochondries la cause principale de l’altération des molécules en tant que principale source des radicaux libres, en s’appuyant :
- sur certains mécanismes chimiques connus de synthèse de dérivés actifs de l’oxygène dans les mitochondries.
- sur le fait que l’ADN mitochondrial (ADN mt) ne serait pas aussi résistant que l’ADN nucléaire car non protégé par le noyau, certaines études ayant démontré que l’ADN mt est plus souvent dégradé.
Des électrons peuvent se détacher de la chaîne respiratoire au sein des mitochondries et réagir avec l’eau pour former des dérivés actifs de l’oxygène (ERO) comme le radical superoxyde ou le radical hydroxyl.
Ces radicaux altèrent ensuite l’ADN mitochondrial et les protéines, et les cellules affectées sont alors davantage susceptibles de synthétiser des molécules vecteurs de dérivés actifs de l’oxygène.
Le Déclin Hormonal
Avec l’âge, les glandes secrétant les hormones anabolisantes (qui participent à la production tissulaire) telles que DHEA, Hormone de croissance,… s’épuisent tandis que s’élèvent le taux d’hormones catabolisantes (qui réduisent le volume tissulaire) telles que le Cortisol, l’hormone du stress, etc…